samedi 1 octobre 2016

Première session (jusqu'à Noël 2016)

Premier bibliographie de travail :
-Fides et Ratio
L'encyclique de Saint Jean-Paul II, écrit en réalité à quatre mains avec le cardinal Ratzinger donne un résumé clair de la philosophie chrétienne, elle est un véritable éloge de l'intelligence humaine.
-À la recherche d'une éthique universelle (pour tous)
Sur la demande de Ratzinger, la Commission théologique internationale publie ce "nouveau regard sur la loi naturelle", pour bien saisir les bases philosophiques de la doctrine de l'Eglise, à propos de l'Homme, de la Cité et du Logos. 

-Chrétiens en politique (Note doctrinale)
Alors préfet pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, Ratzinger écrit cette Note doctrinale sur l'engagement des chrétiens en politique. Celle-ci sera reprise par l'abbé Grosjean dans son Mémoire, plus spécifique à la France. Elle est une base pour la compréhension effective du rapport entre foi et politique dans notre société post-moderne. L'ouvrage L'Eglise n'a pas dit son dernier mot du père Matthieu Rougé, ancien aumônier des parlementaires, est également instructif.

-Evangelium vitae
Cette magnifique encyclique de Saint Jean-Paul II traite de l'avortement, de l'euthanasie, de la sexualité, de la contraception, et prône une "culture de vie", qui implique de rompre avec la compréhension libérale et relativiste de la liberté, déconnectée la vérité.

-Veritatis Splendor
L'encyclique longuement méditée par Saint Jean-Paul II offre un magnifique développement du lien intime qui unit la liberté à la vérité.

-Caritas in Veritate
La grande encyclique sociale de Benoit XVI est au fondement de l'écologie intégrale.

-Mémoire et identité
Ecrit dans les dernières années de sa vie, l'ouvrage très personnel de Saint Jean-Paul II éclaire par son interprétation de la crise de l'Occident, incapable de définir son identité et oublieuse de sa mémoire.

-Cours familier de philosophie politique
Le cours de Pierre Manent prononcé à Sciences Po constitue une bonne introduction à la philosophie politique.

-La Cité de l'homme
La grande oeuvre de Pierre Manent sur la modernité permet d'en saisir tous les rouages.

-Grands discours de Benoit XVI

dimanche 25 septembre 2016

Culture, liberté & vérité

Méditation de Mgr Chauvet pour La Neuvaine

Fidèle à notre culture.


"Je n’oublie pas les mots de Saint Jean-Paul II à l’Unesco à propos de la culture : « l’homme vit d’une vie vraiment humaine grâce à la culture… Elle est ce par quoi l’homme en tant qu’homme devient davantage homme… accède davantage à l’être… la tâche première et essentielle de la culture est l’éducation… La Nation existe par la culture et pour la culture » (2 juin 1980).

35 ans après, ce discours à l’Unesco est d’une grande actualité. Notre beau pays de France est riche de sa culture dont les racines sont profondément chrétiennes. La crise que nous traversons depuis des années est celle de la transmission ; or une société qui ne transmet plus, forme des barbares et ces barbares seront nos enfants.

Les Nations voisines envient notre culture, la beauté de notre littérature, nos œuvres d’art et notre patrimoine si marqué par les valeurs de l’Evangile et par l’histoire de l’Eglise. Les réformes successives montrent bien que nous avons oublié la finalité de l’éducation : créer des êtres libres.

12
Paysage des Landes

Toi, Notre Dame, qui as reçu avec Saint Joseph, la mission de transmettre à ton Enfant, l’histoire du peuple élu, toi qui lui as appris à prier les psaumes, toi qui l’as enraciné dans la culture de ton pays, regarde nos familles et aide-les à répondre à cette mission qui leur est confiée. Aide-nous à retrouver le bon sens en éducation pour que nous puissions développer ce qui fait notre grandeur, à savoir de ressembler de plus en plus à Dieu ; non pas prendre sa place, mais préparer tout notre être à Le voir.

Pour cela, fais découvrir à nos jeunes l’essence de la liberté, toi qui as dit un oui pleinement libre à ton Seigneur. En effet, la source de la liberté n’est pas le libre arbitre, le libre choix, mais l’orientation de tout notre être vers ce pour quoi nous avons été créés. Il est vrai que la première expérience de liberté est de faire ce que je veux et nous tombons souvent dans une forme d’esclavage car notre monde nous aliène ; toi Notre Dame, apprends-nous alors à retrouver cette liberté qui est source de joie et de paix.

Il nous faut reprendre les étapes de l’éducation à la liberté. Tout d’abord, avec les enfants, une discipline de vie, leur expliquant que les commandements leur sont donnés non pas pour brimer leur liberté, mais pour faire grandir le germe d’amour qu’ils portent en leur cœur et pour les structurer. Puis à l’âge de l’adolescence, il s’agit de passer du Décalogue à la Loi nouvelle, celle de l’Esprit Saint développée dans les chapitres 5 à 7 de l’évangile selon Saint Matthieu. Les vertus cardinales et théologales et les dons de l’Esprit aideront ainsi les adolescents à développer leur capacité intellectuelle, spirituelle et affective pour atteindre leur maturité. C’est ainsi qu’ils entreront dans l’âge adulte qui se caractérise par une capacité à s’engager dans la vie professionnelle, dans la cité, dans le mariage, dans la vie consacrée, dans le sacerdoce.

O Marie, patronne de la France, nous te confions tous nos jeunes pour qu’ils puissent répondre à leur vocation et qu’ainsi ils prennent en main l’avenir de notre pays."

mardi 13 septembre 2016

"De la crise actuelle émergera l’Église de demain" par Ratzinger

Au vu des difficultés qui nous attendent dans notre combat, nous pourrions avoir la tentation d'abdiquer, ou du moins de lâcher du lest, de revoir à la baisse nos objectifs. Ce ne serait pas du réalisme, mais de la lâcheté. Mais, comme je l'ai déjà écrit dans un texte fondateur, nous avons un devoir d'espérance. L'espérance nous commande de ne jamais abandonner, puisque "la victoire est certaine".
Ces mots, prononcés par Joseph Ratzinger en 1969 à la radio allemande, sont toujours d'actualité. Ils frappent par leur lucidité et leur réalisme, mêlés d'une espérance sans borne et d'une foi inconditionnelle - deux vertus qu'il nous faut cultiver en priorité face à la tendance pessimiste actuelle. 

« Je pense, non, je suis sûr, que le futur de l’Église viendra de personnes profondément ancrées dans la foi, qui en vivent pleinement et purement. Il ne viendra pas de ceux qui s’accommodent sans réfléchir du temps qui passe, ou de ceux qui ne font que critiquer en partant du principe qu’eux-mêmes sont des jalons infaillibles. Il ne viendra pas non plus de ceux qui empruntent la voie de la facilité, qui cherchent à échapper à la passion de la foi, considérant comme faux ou obsolète, tyrannique ou légaliste, tout ce qui est un peu exigeant, qui blesse, ou qui demande des sacrifices. Formulons cela de manière plus positive : le futur de l’Église, encore une fois, sera comme toujours remodelé par des saints, c’est-à-dire par des hommes dont les esprits cherchent à aller au-delà des simples slogans à la mode, qui ont une vision plus large que les autres, du fait de leur vie qui englobe une réalité plus large. Il n’y a qu’une seule manière d’atteindre le véritable altruisme, celui qui rend l’homme libre : par la patience acquise en faisant tous les jours des petits gestes désintéressés. Par cette attitude quotidienne d’abnégation, qui suffit à révéler à un homme à quel point il est esclave de son égo, par cette attitude uniquement, les yeux de l’homme peuvent s’ouvrir lentement. L’homme voit uniquement dans la mesure où il a vécu et souffert. Si de nos jours nous sommes à peine encore capables de prendre conscience de la présence de Dieu, c’est parce qu’il nous est tellement plus facile de nous évader de nous-mêmes, d’échapper à la profondeur de notre être par le biais des narcotiques, du plaisir etc. Ainsi, nos propres profondeurs intérieures nous restent fermées. S’il est vrai qu’un homme ne voit bien qu’avec le cœur, alors à quel point sommes-nous aveugles ?

Quel rapport tout cela a-t-il avec notre problématique ? Eh bien, cela signifie que les grands discours de ceux qui prônent une Église sans Dieu et sans foi ne sont que des bavardages vides de sens. Nous n’avons que faire d’une Église qui célèbre le culte de l’action dans des prières politiques. Tout ceci est complètement superflu. Cette Église ne tiendra pas. Ce qui restera, c’est l’Église du Christ, l’Église qui croit en un Dieu devenu Homme et qui nous promet la vie éternelle. Un prêtre qui n’est rien de plus qu’un travailleur social peut être remplacé par un psychologue ou un autre spécialiste. Un prêtre qui n’est pas un spécialiste, qui ne reste pas sur la touche à regarder le jeu et à distribuer des conseils, mais qui, au nom de Dieu, se met à la disposition des Hommes, est à leurs côtés dans leurs peines, dans leurs joies, dans leurs espoirs et dans leurs peurs, oui, ce genre de prêtres, nous en aurons besoin à l’avenir.

Allons encore un peu plus loin. De la crise actuelle émergera l’Église de demain – une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera de taille réduite et devra quasiment repartir de zéro. Elle ne sera plus à même de remplir tous les édifices construits pendant sa période prospère. Le nombre de fidèles se réduisant, elle perdra nombre de ses privilèges. Contrairement à une période antérieure, l’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires, que l’on intègre librement et par choix. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres.

Elle va sans aucun doute découvrir des nouvelles formes de ministère, et ordonnera à la prêtrise des chrétiens aptes, et pouvant exercer une profession. Dans de nombreuses petites congrégations ou des groupes indépendants, la pastorale sera gérée de cette manière. Parallèlement, le ministère du prêtre à plein temps restera indispensable, comme avant. Mais dans tous ces changements que l’on devine, l’essence de l’Église sera à la fois renouvelée et confirmée dans ce qui a toujours été son point d’ancrage : la foi en un Dieu trinitaire, en Jésus Christ, le Fils de Dieu fait Homme, en l’Esprit-Saint présent jusqu’à la fin du monde. Dans la foi et la prière, elle considérera à nouveau les sacrements comme étant une louange à Dieu et non un thème d’ergotages liturgiques.

L’Église sera une Église plus spirituelle, ne gageant pas sur des mandats politiques, ne courtisant ni la droite ni la gauche. Cela sera difficile pour elle, car cette période d’ajustements et de clarification va lui coûter beaucoup d’énergie. Cela va la rendre pauvre et fera d’elle l’Église des doux. Le processus sera d’autant plus ardu qu’il faudra se débarrasser d’une étroitesse d’esprit sectaire et d’une affirmation de soi trop pompeuse. On peut raisonnablement penser que tout cela va prendre du temps. Le processus va être long et fastidieux, comme l’a été la voie menant du faux progressisme à l’aube de la Révolution française – quand un évêque pouvait être bien vu quand il se moquait des dogmes et même quand il insinuait que l’existence de Dieu n’était absolument pas certaine – au renouveau du XIXe siècle. Mais quand les épreuves de cette période d’assainissement auront été surmontées, cette Église simplifiée et plus riche spirituellement en ressortira grandie et affermie. Les hommes évoluant dans un monde complètement planifié vont se retrouver extrêmement seuls. S’ils perdent totalement de vue Dieu, ils vont réellement ressentir l’horreur de leur pauvreté. Alors, ils verront le petit troupeau des croyants avec un regard nouveau. Ils le verront comme un espoir de quelque chose qui leur est aussi destiné, une réponse qu’ils avaient toujours secrètement cherchée.

Pour moi, il est certain que l’Église va devoir affronter des périodes très difficiles. La véritable crise vient à peine de commencer. Il faudra s’attendre à de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce qu’il va rester à la fin : une Église, non du culte politique car celle-ci est déjà morte, mais une Église de la foi. Il est fort possible qu’elle n’ait plus le pouvoir dominant qu’elle avait jusqu’à maintenant, mais elle va vivre un renouveau et redevenir la maison des hommes, où ils trouveront la vie et l’espoir en la vie éternelle. »

lundi 12 septembre 2016

Quels combats ?

“Le grand combat de la raison et de la culture”. C’est ainsi que l’abbé Grosjean résume le défi qui attend désormais les catholiques, dans son Mémoire sur la Note doctrinale sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique.


Ce texte, rédigé par le Cardinal Ratzinger en 2002, alors qu’il était préfet pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, est remarquable à bien des égards. Sans être une “charia” ou un Manifeste catholique, comme certains l’ont craint, il joue le rôle d’une boussole, guidant le catholique dans son engagement politique. Chacun l’a compris, les temps ont changé. Finie l’époque où l’église paroissiale était pleine à craquer, la pratique cultuelle ne cesse de décroître en Europe. Et avec elle, la morale chrétienne. Incontestablement , nous sommes entrés dans le règne du nihilisme et du relativisme. La défense d’une morale universelle par l'Église est insupportable à beaucoup. La crise religieuse s’est doublée d’une crise morale.


Pour autant, il n’est moins que jamais temps d’abdiquer. Parce que, nous, catholiques, avons le devoir d’évangéliser, de propager la “civilisation de l’amour”, chère à Saint Jean-Paul II. “Les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la “politique”. C’est-à-dire à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle qui a pour but de promouvoir organiquement, et par les institutions, le bien commun.” écrit Saint Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Christi Fideles Laici. Il est si facile de dédaigner la politique, au motif que le combat est perdu d’avance. Mais, continue Saint Jean-Paul II, “les accusations d'arrivisme, d'idolâtrie du pouvoir, d'égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis politiques, comme aussi l'opinion assez répandue que la politique est nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l'absentéisme des chrétiens pour la chose publique”. Derrière ce dégoût affiché pour la politique, se dissimule bien souvent un sentiment bien trop humain : le découragement. Devant le travail à effectuer, il serait lâche de démissionner, d’abandonner la lutte. Devenus minoritaires, les catholiques sont de facto en résistance devant les attaques de la post-modernité libertaire. Le temps est venu d’édicter une stratégie, guidant notre engagement politique et culturel - nous ne pouvons faire l’économie de l’un des deux volets, nous le verrons par la suite.


Certains demanderont, à juste titre, de quel droit l'Église traite de sujets comme la politique ou la société qui ne la concernent pas immédiatement. Sa vocation n’est-il pas plutôt de mener les âmes au Salut ? De convertir les hommes ? Une implication de l'Église en politique ne serait-elle pas une tentative de bâtir une théocratie ou tout autre régime confessionnel du même ordre ? Et quelle légitimité a-t-elle pour se préoccuper de ces sujets ?
La réponse à ses interrogations réside dans la cohérence requise dans la vie du chrétien, “la cohérence entre la foi et la vie, entre l’Évangile et la culture”. Que dirions-nous d’une personne se prétendant chrétienne mais agissant, de par ses actes, de manière immorale ? “Il ne peut y avoir deux vies parallèles, d’un côté la vie qu’on nomme "spirituelle" avec ses valeurs et ses exigences ; et de l’autre, la vie dite "séculière", c’est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles. [...] Tous les secteurs de la vie laïque, en effet, rentrent dans le dessein de Dieu.” rappelle la Note.


Qu’est-ce donc qu’une vie vécue en conformité avec la foi catholique ? Quelles principes doivent régir la vie des catholiques ? “Les citoyens catholiques ont le droit et le devoir, comme tous les autres, de rechercher sincèrement la vérité, de promouvoir et de défendre par tous les moyens licites, les vérités morales sur la vie sociale, la justice, la liberté, le respect de la vie et les autres droits de la personne”. Ici, nous percevons clairement la visée, le but de tout engagement civil et politique : la vérité. Cette vérité que chaque personne possède au plus profond de son coeur, que sa raison peut lui permettre de découvrir. Cette vérité qui mène au vrai bonheur, promis par Dieu.
Or le projet de la post-modernité libertaire effectue un renversement complet du paradigme de la loi naturelle : il considère que la liberté est première et, à ce titre, promeut la pluralité morale. Chacun est “libre” d’adopter l’éthique de vie qu’il souhaite. La volonté individuelle est passée devant la vérité. Celle-ci est rapidement battue en brèche, attaquée, niée.
Pis encore, “la notion de vérité est passée dans le camp de l’intolérance et de ce qui est antidémocratique”, explique Benoit XVI. “Le relativisme substitue ainsi à la loi naturelle comme fondement de l’ordre juridique, la loi de la majorité. C’est la majorité qui construit la morale, n’acceptant d’autre référence qu’elle même. [...] le relativisme apparaît comme la philosophie propre de la démocratie libérale, sa condition même, puisque protégeant dans ses principes la tolérance vis à vis de tous et l’autonomie morale de chacun. Il est le garant d’une liberté [mal] comprise comme radicale autonomie”, continue l’abbé Grosjean.
Le relativisme est donc clairement désigné comme l’ennemi principal des catholiques. Si la Note ne condamne évidemment pas la démocratie, elle s’érige contre le “relativisme culturel”, symptôme d’une “décadence et d’une dissolution de la raison et des principes de la loi morale naturelle”. Que peuvent les catholiques face à ce changement de paradigme, à cette révolution des valeurs ?
Réhabiliter la raison ! s’écrie l’abbé Grosjean. Partant de Fides et ratio de Saint Jean-Paul II, “la majorité ne peut être le principe ultime : il existe des valeurs qu’aucune majorité n’a le droit d’abolir”, il demande : “Quelles sont ces valeurs ? La première que la raison discerne est l’affirmation d’une dignité propre de l’homme : “Nous pouvons avoir confiance les uns dans les autres, et vivre ensemble paisiblement, à une seule condition : que l’homme se reconnaisse comme une fin, que l’homme soit intangible pour l’homme.” (Fides et ratio).
Pourtant, devant la négation du droit naturel par le plus grand nombre et la crise profonde de la raison, l’intelligence de Benoit XVI est d’appeler la foi au chevet de la raison. “La foi chrétienne, qui s’est avérée être la culture religieuse la plus universelle et la plus rationnelle, offre aujourd’hui encore à la raison cette structure de base en matière de discernement moral qui soit mène à une certaine évidence, soit fonde au moins une foi morale rationnelle sans laquelle aucune société ne peut exister”, dit-il dans les remarquables Valeurs pour un temps de crise.
Tel est le combat culturel qui attend les catholiques : réinstaurer le rôle de la raison dans la politique, condition sine qua non de la redécouverte de la loi naturelle et de la recherche effective du bien commun.


A ce premier “combat de la raison”, succède le “combat pour la culture”. Une première difficulté surgit lorsqu’il s’agit de définir clairement ce terme polysémique de “culture”. Le cardinal Giacomo Biffi, mort en 2015, a publié à la suite de la parution de la Note le commentaire "L'engagement culturel, priorité politique des catholiques”  dans lequel il s’efforce de réfléchir sur la triple signification du mot “culture”. Il s’agit tour à tour 1) d’“une vision de l’homme”, 2) d’”un système collectif d’appréciation des idées, des actes, des événements” et 3) de “la mentalité, les institutions, les formes d’existence, les habitudes” d’une population. La première définition est, me semble-t-il, la plus fondamentale. La culture catholique est avant tout une vision de l’homme, une “anthropologie unique et typique” dont la perte serait irréparable. C’est celle-ci que nous devons protéger et promouvoir de toutes nos forces. Quelle est-elle, selon Biffi ? Rien d’autre que “l’humanisme le plus élevé et le mieux étayé”. Le cardinal Biffi explique : “Déjà l'Antiquité classique en était arrivé à proclamer : " Beaucoup de choses sont magnifiques dans le monde, mais l'homme les surpasse toutes " (Sophocle, Antigone). Le christianisme accueille et assimile l'humanisme grec et, en le transfigurant, le transcende au point de faire de l'homme la fin primaire et immédiate de toutes les choses visibles, comme cela apparaît de ce qu'écrit S. Ambroise : " L'homme est le sommet et comme le résumé de l'univers, et la beauté suprême de toute la création " (Hexameron IX,75).” Saint Jean-Paul II avait cette belle définition de la culture : « ce par quoi l'homme en tant qu'homme devient davantage homme, "est" davantage, accède davantage à l'"être" ». Aujourd’hui, la réalisation concrète de cette anthropologie catholique est l’écologie humaine, axe fondamental de travail du cercle Pierre Manent.
Au cours d’un discours devant les membres du Parti Populaire Européen (PPE), Benoit XVI définissait trois principes, trois axes d’engagement et de combat politique “non-négociables” : “1) Protection de la vie dans toutes ses phases ; 2) reconnaissance et défense de la structure naturelle de la famille — union entre un homme et une femme fondée sur le mariage — la protégeant contre toutes tentatives de la rendre équivalente en droit à des formes radicalement différentes d'union qui nuisent et obscurcissent son caractère particulier et à son rôle social irremplaçable ; 3) protection du droit des parents à éduquer leurs enfants.

dimanche 4 septembre 2016

Nous avons un devoir d'Espérance

Il eut été plus exact d'intituler cet article : Quelques principes fondamentaux de formaction. Mais j'ai choisi de faire référence dès le titre à un principe essentiel à tout combat politique et culturel, probablement le plus important, rien de moins qu'une des trois vertus théologale : l'Espérance.

Les travaux que nous effectuerons tout au long de l'année vont nous faire prendre conscience de l'état d'urgence dans lequel nous vivons aujourd'hui. Ce qui allait de soi ne va plus de soi. Dans une conférence fondamentale pour notre réflexion, intitulée L'aubaine d'être né en ce temps, Fabrice Hadjadj écrit au sujet de cet état d'urgence : « L'indice de cette apocalypse est fourni par tous les combats « à front renversé » dans lesquels se trouve engagée l'Eglise ». Ces mêmes combats qui sont la raison d'être du Cercle Pierre Manent : « préserver l'humain », « défendre la nature », devenir « la garantie du temporel », être « la gardienne de la chair, du sexe, de la matière même ».

Mais, continue-t-il, « cette situation terrible où plus rien ne va de soi, est proprement formidable, parce qu'alors tout ne peut plus que repartir de Dieu ». C'est ainsi qu'il faut comprendre le titre de cette conférence : « La foi en Dieu implique la foi en l'aubaine d'être né dans un tel siècle et au milieu d'une telle perdition. Elle commande une espérance qui dépasse toute nostalgie et toute utopie. Nous sommes là, c'est donc que le Créateur nous veut là. Nous sommes en un temps de misère, c'est donc le temps béni pour la miséricorde. Il faut tenir notre poste et être certains que nous ne pouvions mieux tomber ». Cet « apostolat de l'apocalypse » donne une certaine saveur à notre formaction : Dieu a un projet pour chacun de nous. A nous de le découvrir, pour mieux le suivre.

Ni pessimisme, ni optimisme, mais espérance. Il ne s'agit pas de croire que demain sera meilleur, mais de voir le Bien et le Beau, dans le présent, hic et nunc – ici et maintenant. En tant que vertu théologale, l'Espérance n'est pas un sentiment humain. C'est la différence essentielle entre espoir et Espérance. La seconde est bien plus profonde et globale, mais aussi bien plus difficile à tenir dans la constance. Seule la foi en la vie éternelle vient en soutien de l'Espérance : le Christ a déjà gagné, Il a vaincu le Mal en donnant Sa vie pour nous sur la Croix. 
La Croix est bel et bien le symbole de notre triomphe. Car, oui - comme le dit l'abbé Grosjean dans Catholiques, engageons-nous, une autre de nos références - « la victoire est certaine ». Le sentiment de participer à cette victoire certaine et absolue doit nous donner une force providentielle. Car l'Espérance est un abandon complet en la Providence, une acceptation entière du projet que Dieu a pour nous. Mais pour discerner le projet de Dieu et s'y adonner corps et âme, de toute notre âme, de toutes nos forces, de toute notre vie, une chose demeure essentielle : la prière. En faire l'économie serait notre plus grosse erreur. Car sans prière, impossible d'entendre ce que Dieu veut nous dire - et impossible que notre action porte du fruit. Nous avons l'impératif de prier, de méditer de nous nourrir de la Parole, avant de produire nous-mêmes des paroles.Notre formation en vue d'une action tant politique que culturelle ne serait pas complète si nous ne nous épanouissons pas humainement en parallèle. Bien sûr que la vie intellectuelle sera très stimulante, qu'elle nous épanouira. Mais la raison sans la foi est morne, désespérée, inutile. "La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité." écrivait Jean-Paul II en introduction de Fides et ratio.

L'abbé Grosjean - à qui nous devons tant - rappelle aussi un principe important que nous faisons nôtre : la fécondité de notre action ne dépend pas de nous, mais de Dieu. L'Espérance, c'est aussi cela : accepter de contribuer très modestement et humblement au projet divin sans peut-être en voir les fruits directs. 
C'est ce qu'exprime si bien Tugdual Derville dans Le Temps de l'Homme avec sa belle métaphore du mycélium. Ce dernier est le « réseau de fines racines interconnectées qui constitue l'élément permanent » des champignons. Alors que ceux-ci « sont spectaculaires, mais éphémères et ponctuels ; leur mycélium est discret, mais durable et relié ».
Ce « véritable organisme vivant », cette « force de construction vitale », « source inépuisable, force indéracinable », c'est ce que nous devons accepter d'être. Espérance, humilité et confiance, tels sont nos maîtres-mots. Ainsi - et seulement ainsi -, nous serons exemplaires et porterons du fruit. 

Laissons le père Matthieu Rougé préciser l'enjeu de notre combat culturel et conclure par ces mots extraits de L'Eglise n'a pas dit son dernier mot : « Il ne s'agit de faire comme si la culture chrétienne était dominante. Elle est objectivement absente de l'horizon de la majorité de nos concitoyens. Elle est délibérément combattue par un certain nombre d'acteurs de la vie culturelle. Mais il est indéniable qu'elle demeure comme une nappe phréatique cachée par le désert dont, ici et là, telle ou telle oasis manifeste la présence persistante et potentiellement féconde. A charge pour les catholiques, trop souvent démoralisés par le désert apparent, de repérer et d'encourager les pousses prometteuses, de creuser les puits que beaucoup attendent pour se désaltérer, sans céder aux mirages des fausses oasis que font miroiter ceux que le désert fascine ou enferme. »

Formaction : quoi et pourquoi ?

Nous, jeunes catholiques français avons un profond désir d'action. 
Nous avons conscience que notre jeunesse est à la fois notre force et notre faiblesse. Force car nous avons l'avenir devant nous et que notre espérance est intacte. Faiblesse car nous ne sommes pas encore suffisamment formés. Une formation, préalable à toute action – une « formaction » : telle est la raison d'être de ce groupe de réflexion et de travail.

Si nous sommes bien sûr enracinés dans la foi, notre combat n'est pas confessionnel. Nous ne battons pas pour l'avènement d'un Etat religieux, mais pour une culture orientée vers la dignité humaine, le bien commun et la justice. Notre combat ne peut être que culturel, suivant la belle définition qu'en donna Jean-Paul II, « ce par quoi l'homme en tant qu'homme devient davantage homme, "est" davantage, accède davantage à l'"être" ».


Nous savons qu'il y a du travail, mais cela ne nous effraie pas. Les travaux de la Formaction se diviseront en trois axes majeurs : l'écologie humaine, la culture, le politique – dans cet ordre.

Plus concrètement, devant l'ampleur de la tâche et la multitude de sujets à travailler, nous faisons le pari du partage de ces sujets. Chaque membre travaillera personnellement un ou plusieurs sujets de son choix. Lire, réfléchir, écrire sera notre méthode de travail. Cette Formaction implique aussi une diversité et une complémentarité de compétences et de profils : étudiants en droit, en économie, en philosophie, en science de la vie, aucune compétence ne sera de trop.


Nos références de pensée s'appellent Karol Wojtyla, Joseph Ratzinger, Pierre Manent, Fabrice Hadjadj, Thibaud Collin, François-Xavier Bellamy, Rémi Brague, René Girard, Tugdual Derville, mais aussi George Bernanos, Paul Claudel, Charles Péguy, Jacques Maritain et bien d'autres. 

Enfin, nous nous remettons au patronage de Saint Jean-Paul II, parce que nous pensons que notre foi est un soutien essentiel à notre travail. C'est aussi pour cette raison que la Formaction s'en remet au père Cédric Anastase comme autorité spirituelle.